La vie des chevaux : observations et réflexions

J’essaie toujours d’offrir à mes chevaux ce qui se rapproche le plus de leurs conditions de vie au naturel. Et même si nous ne pouvons pas faire de naturel dans du non-naturel, au moins tendre vers ce qui semble correspondre le plus à leurs conditions de vie « normales » en leur offrant ce qui peut nourrir les besoins primaires.

Lorsque j’exerçais en tant que naturopathe, l’accompagnement des personnes de tout âge et avec tout type de parcours me confirmait sans cesse que l’état d’équilibre, qu’on appelle la Santé, est basée sur des grands principes fondamentaux relativement simples (en tout cas en apparence), mais au combien puissants.
Et ces premiers principes sont tout à fait applicables aux chevaux :
* bien manger (avoir tous les apports nécessaires ..avec un minimum d’éléments toxiques)
* bien dormir (sommeil récupérateur grâce à un système nerveux équilibré et un sentiment de sécurité)
* bouger (sans forcer)
* profiter d’une vie sociale épanouie
..on pourrait bien sûr compléter cette liste, mais il me semble que si ces premiers points sont respectés, alors les ressources peuvent se mettre en place, pour soutenir toutes les capacités physiologiques et psychologiques.

La force vitale, grand principe de la naturopathie, est permise et soutenue par un équilibre de vie et engendre la capacité d’auto-régulation et d’auto-guérison que tous les êtres vivants ont.

A l’inverse, des conditions de vie éloignées des besoins primaires, et des soins parfois exagérés ou non adaptés peuvent venir fortement impacter la force vitale et les capacités d’adaptation du cheval. Il convient de toujours vérifier que notre intervention respecte les grands besoins du cheval, sans se laisser influencer par nos besoins à nous, en tant qu’humain (anthropomorphisme). Apprendre à faire confiance aux ressources de l’organisme. Apprendre à être patient. Il est souvent urgent de ne rien faire. Ce n’est pas toujours facile !

L’espèce cheval tel qu’on le connait (taille et proportions) existe depuis 4 à 5 millions d’années. Il a été domestiqué environ 2 200 ans avant notre ère. Ce qui revient à dire que sur une ficelle d’un mètre, notre intervention auprès des chevaux ne représente qu’un millimètre. Tout en sachant que l’Homo Sapiens est apparu il y a 300 000 ans.. le cheval a une bien plus grande expérience que nous, et surtout, il a toujours su s’adapter au monde.. sans nous !

Les chevaux au Berbois vivent dans plusieurs prés d’une dizaine d’hectares, en tournant sans cesse pour qu’il n’y ait pas besoin de complémentation à la belle saison. Forêts, pentes, sols rocheux, combes en herbe, le terrain est très varié. De novembre à avril, il est nécessaire d’apporter du foin (bio, récolté à la Pesse) sur plusieurs semaines. Les pâtures d’hiver de 30 hectares permettent aux chevaux de continuer à brouter lorsque la neige n’est pas trop importante. Ainsi, ils continuent à se complémenter en fibres, essences d’arbres, petites plantes de montagne..

De plus, le cheval a besoin de bouger pour se nourrir, et choisir ce qu’il mange.
Se nourrir est très différent d’être nourri. Ainsi :
* il cherche ce qui est bon pour lui (intérêt, stimulation)
* il accède à toutes sortes d’espèces végétales (apports en nutriments variés, fibres, plantes vermifuges, immuno-stimulantes…, auto-médication)
* il se met en mouvement (nécessaire au bon fonctionnement du système circulatoire, musculaire, respiratoire, digestif, psychique.. mais aussi de l’auto-parage des sabots !)
* il évolue avec ses congénères (ce qui lui permet de prendre une place au sein du troupeau, une fonction, qui peut évoluer)

Un grand soin est accordé au maintien des affinités. Il est primordial de comprendre qu’un cheval vit en communauté, et que les liens sociaux font partie des ressources pouvant faire face au danger. Il n’est pas seulement question de copinage, mais réellement de survie. Un cheval seul n’ayant aucune chance en cas d’attaques de prédateurs, il est fondamental qu’il se lie à d’autres et intègre un groupe de manière durable.

Les différents rôles au sein d’un troupeau sont toujours très marqués, mais peuvent mettre du temps à s’installer. Un nouveau cheval met souvent plusieurs mois avant de s’affirmer pleinement, et d’être accepté comme un autre membre plus ancien du groupe. Il arrive qu’il faille même deux années pour qu’un cheval soit complètement admis dans le rôle qui lui correspond.

Côté « élevage », je ne peux également qu’observer à quel point les chevaux nés au sein du troupeau ou l’ayant rejoint au plus jeune âge, sont intimement liés à leurs congénères (principalement ceux du même âge), protégés par les aînés, et tout à fait au clair en terme de codes sociaux. Je pense qu’il est important de laisser les jeunes avec leurs mère au moins une année, deux, sinon plus. Si le troupeau est suffisamment riche en terme de nombre, d’équilibre, de stabilité, le poulain est rapidement en lien avec les autres membres, et s’autonomise naturellement.


Depuis deux ans, l’observation d’un troupeau de chevaux de races konik polski (signifiant « petit cheval polonais », le cheval le plus proche du tarpan disparu) vivant en autonomie (sans aucune intervention) dans de très grands espaces, m’a beaucoup appris et continue à me montrer de quoi les chevaux sont capables, et de quoi ils ont besoin et non-besoin.
Je continue à faire des observations et recherche des personnes passionnées souhaitant soutenir ce projet et réaliser des études sur le troupeau (auto-médication, auto-parage, gestion naturelle des parasites internes et externes, déplacements, alimentation…).
Thésards, chercheurs.. vous êtes les bienvenus !
N’hésitez pas à me contacter à ce sujet !

Coin biblio :
* Linda Kohanov : « les 5 rôles du maître berger » (et d’autres…)
* Françoise Anstett : « Demande à ton cheval, conversation avec Donald Newe »
* Dr Ancelet : « Hippothèses – pour une alternative en médecine équine – Se nourrir… être nourri – réflexions sur la diététique équine »
* Léa Lansade : « Dans la tête d’un cheval »
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